Chaque clic compte : ce que l’IA nous révèle sur la pollution invisible du numérique

Chaque clic, chaque vidéo, chaque question à ChatGPT… ça laisse une trace. Pas visible comme une traînée de fumée, mais bien réelle : une empreinte carbone numérique. On a souvent tendance à pointer du doigt l’IA comme la grande pollueuse du numérique, mais est-ce vraiment elle la pire? Spoiler : pas toujours.

L’intelligence artificielle, coupable ou bouc émissaire?

Quand on parle de pollution numérique, l’IA fait souvent les gros titres. Pourquoi? Parce que l’entraînement des modèles d’IA, surtout les plus avancés comme GPT-3 ou GPT-4, demande énormément d’énergie.

Entraîner GPT-3 aurait nécessité environ 1 287 MWh d’électricité et généré 552 tonnes de CO₂, soit autant que cinq voitures thermiques pendant toute leur vie (MIT Technology Review, 2021).

Cela dit, cette étape d’entraînement est unique. L’utilisation quotidienne de ces modèles est beaucoup moins énergivore :

➤ Une requête ChatGPT = 1 à 5 g de CO₂ (GreenIT.fr, 2023)
➤ Une recherche Google = 0,25 g de CO₂ (Google, 2023)

À comparer avec :

Faire chauffer de l’eau pour un thé = ~5 g de CO₂
Envoyer un courriel avec pièce jointe = ~19 g de CO₂ (ADEME, 2022)

Donc non, l’IA n’est pas anodine… mais nos gestes numériques quotidiens, eux non plus. Mais comment l’IA se compare-t-elle aux autres activités numériques qu’on pratique tous les jours sans y penser ?

IA vs autres usages numériques : qui est le vrai coupable ?

Voici quelques comparaisons concrètes pour remettre les choses en perspective :

Activité numérique	Émissions estimées (g CO₂e)	Équivalent concret	Source(s)
1h de vidéo en HD (Netflix)	~440 g CO₂e	Environ 3 km en voiture thermique	IEA (2020)
1 courriel avec PJ (1 Mo)	~19 g CO₂e	Une ampoule LED allumée pendant 6 h	ADEME (2022)
Scroll Instagram (10 minutes)	~15–20 g CO₂e	3 à 4 requêtes IA	Mozilla + estimations internes
1 requête IA (type ChatGPT)	~1 à 5 g CO₂e	Faire chauffer une tasse d’eau	GreenIT (2023)
Générer une image IA	≈ 100–1600 g CO₂e	Charger entièrement un smartphone	CMU, Hugging Face, Nature (2023, 2024)
1h de visioconférence (Zoom)	150 à 1 000 g CO₂e	Dépend du débit vidéo et du nombre de caméras	Purdue (2020)
Stockage 100 Go/an dans le cloud	~200 g CO₂e	10 min de métro	The Shift Project (2019)

🔎 Et on oublie souvent : les services numériques les plus énergivores sont souvent ceux que l’on utilise le plus souvent, pas ceux qui nous semblent “futuristes”.

À grande échelle, l’impact du streaming, des réseaux sociaux ou du stockage cloud dépasse parfois celui de l’IA.

Ce qui consomme vraiment (et ce qu’on peut changer)

Le vrai poids écologique du numérique se cache dans deux aspects :

La fabrication des équipements : ordinateurs, téléphones, serveurs. Jusqu’à 70 % de leur empreinte carbone est liée à leur production (GreenIT.fr, 2023).
Les usages répétés et prolongés : binge-watching, visioconférences, sauvegardes automatiques massives…

C’est pourquoi les spécialistes appellent à une sobriété numérique : faire mieux avec moins.

🧰 20 gestes simples pour un numérique plus vert

Pas besoin de devenir moine zen débranché. Voici 20 façons concrètes de réduire votre empreinte numérique. Individuellement, ces gestes semblent petits. Mais multipliés par des millions de personnes, ils font toute la différence.

Utilisez le Wi-Fi plutôt que la 4G : jusqu’à 3x moins énergivore.
Baissez la qualité vidéo par défaut (720p suffit pour la plupart des usages).
Faites le ménage dans vos courriels et vos pièces jointes. (libérez le cloud)
Utilisez le mode sombre, surtout sur les écrans OLED.
Évitez les visioconférences inutiles : un courriel bien écrit, parfois, ça suffit.
Fermez les onglets inutiles. Votre ordi (et la planète) vous remerciera.
Utilisez Ecosia comme moteur de recherche pour contribuer à la reforestation.
Compressez vos fichiers avant de les envoyer. Et partagez-les via des liens temporaires.
Favorisez des formats légers et efficaces (infographies, audio, textes courts).
Prolongez la vie de vos appareils : réparez, recyclez, donnez.
Désactivez la lecture automatique des vidéos sur les réseaux sociaux et plateformes.
Désabonnez-vous des infolettres inutiles : ça diminue les envois… et votre tentation de cliquer.
Programmez la mise en veille automatique de vos appareils après quelques minutes d’inactivité.
Regroupez vos requêtes de recherche au lieu de les lancer une par une.
Activez les mises à jour automatiques pour optimiser l’efficacité énergétique de vos appareils.
Stockez localement ce que vous consultez souvent pour éviter des allers-retours vers le cloud.
Limitez les notifications push : elles sollicitent les serveurs inutilement… et votre attention aussi.
Préférez les appels vocaux aux vidéos quand c’est possible.
Désactivez les services de géolocalisation quand vous n’en avez pas besoin.
Achetez reconditionné ou seconde main pour vos appareils numériques.

Pourquoi tant de données contradictoires sur l’empreinte de l’IA❓

Avant de partager une statistique choc, prenez le temps de voir ce qui est vraiment mesuré. Une même étude peut donner des résultats très différents selon le contexte, surtout quand on vit au Québec, où plus de 99 % de notre électricité provient d’hydroélectricité, une source à très faible émission de carbone. C’est loin d’être le cas ailleurs dans le monde.

Si vous avez l’impression que les chiffres sur la pollution numérique se contredisent, vous n’êtes pas seul. Voici pourquoi :

🔍 1. Méthodologies de calcul différentes

Certaines études se basent sur l’entraînement des modèles IA (très énergivore), d’autres sur leur utilisation quotidienne (beaucoup plus légère).
Certaines incluent la fabrication des équipements (GPU, serveurs), d’autres non.
Le mix énergétique (charbon, renouvelable, nucléaire) varie selon les pays, influençant les résultats.

🌍 2. Où ça se passe, ça change tout

Une même activité numérique pollue 10 fois plus en Chine qu’en Norvège à cause des sources d’électricité utilisées.

⏱️ 3. On compare souvent des choses pas comparables

Une requête IA de quelques secondes est comparée à une heure de vidéo Netflix ou à toute la durée de vie d’un serveur.
Résultat : des écarts énormes qui brouillent les repères.

🛠️ 4. La fabrication est souvent oubliée

Pourtant, jusqu’à 70 % de l’empreinte d’un appareil vient de sa fabrication (GreenIT.fr, 2023).
Ça inclut l’extraction minière, l’assemblage, le transport…

📊 5. Les usages évoluent plus vite que les études

Le numérique change vite : plus de cloud, plus de vidéo, plus d’IA.
Et les entreprises adoptent des pratiques plus vertes : refroidissement par eau, centres « carbone neutre », etc.

Bref, les données ne sont pas fausses, elles sont souvent incomplètes ou issues de contextes très différents.

Les reproches qu’on adresse à l’IA peuvent avoir un effet bénéfique : celui de nous éveiller à l’ensemble des polluants invisibles cachés derrière nos gestes numériques les plus ordinaires. Pas besoin de jeter nos outils modernes ou de s’auto-culpabiliser, mais prendre conscience que chaque clic compte, c’est déjà un pas vers un numérique plus durable.

📌 Posez-vous ces questions :

Est-ce que j’ai vraiment besoin de cette réunion en ligne avec caméra HD?
- Une étude menée par Purdue University (2021) a montré que désactiver sa caméra pendant une visioconférence peut réduire de 96 % l’empreinte carbone associée à l’appel.
Ai-je vraiment besoin d’envoyer ce courriel ?
- Les courriels semblent anodins, mais multipliez-les par 333 milliards par jour (chiffre global 2023) et l’impact devient massif. Jusqu’à 150 millions de tonnes de CO₂ par an, soit environ 0,3 % des émissions mondiales . En moyenne, un·e travailleur·e en reçoit 126 chaque jour, ce qui représente 184 kg de CO₂ par an . Oui, même un simple “Merci” compte !
Est-ce que cette vidéo doit être en 4K ou 1080p/720p suffit?
- Même chose du côté du visionnement : passer de la HD à la SD lors du streaming vidéo peut diviser par 4 les émissions. Ces gestes simples, souvent négligés, ont donc un impact considérable à grande échelle.
Est-ce que je peux faire durer un peu plus longtemps mon téléphone/ordi actuel?
- Une étude européenne a démontré que si on prolongeait la vie de tous les appareils électroniques d’un an, cela reviendrait à retirer 2 millions de voitures de la circulation en termes d’émissions évitées (European Environmental Bureau, 2019). Réparer ou acheter reconditionné, c’est aussi poser un geste écologique simple… mais puissant.

Rien de révolutionnaire. Juste des petits choix plus éclairés, plus responsables.

Note : Cet article est une synthèse réalisée à partir de recherches en ligne et d’analyses croisées avec le mode « Recherche avancée » de ChatGPT puis longuement révisé par moi pour valider l’information. Pour consulter l’ensemble des données et des références complètes ayant servi à sa rédaction, consulter le document de recherche.

Dernière mise à jour : 1er mars 2024

Anthony Mak